» La terre s’apprivoise mais la nature toujours maîtresse du jeu reprend le cours du cycle et contraint sans ménagement celui qui la désorganise à réintégrer le rang. Au siècle dernier il était perçu comme le bon père de famille qui nourrit ses enfants, fier d’endosser le rôle. Puis de père chaleureux et attentionné, aux yeux des gens, il est devenu malgré lui, celui qui maltraite, qui impose. Comment la transition s’est-elle effectuée ? Comment l’impensable s’est-il produit ? Celui qui nourrit devient le destructeur, le pollueur ! Une étiquette lourde à porter mais pas toujours injustifiée. La situation n’imposait-elle pas du chiffre, du rendement ? Lorsque l’on pousse les gens à produire toujours plus il ne faut pas s’étonner de trouver en chemin des solutions radicales afin de correspondre à la demande ! Autrefois, le pain était sacré et l’on respectait l’homme qui produisait ce prodige. Aujourd’hui, on oublie que le pain ami des pauvres comme des riches fit couler beaucoup de larmes et d’encre, comme cette célèbre et triste réplique controversée de la reine de France Marie-Antoinette, ils n’ont pas de pain, ils n’ont qu’à manger de la brioche. Le blé produit miraculeux ne parvient toujours pas en 2010 à nourrir la planète, nombreux sont ceux qui ont faim ! Avoir faim, avoir le ventre vide, mesurons-nous assez l’importance du terme ? L’agriculture, le monde paysan a souffert de ce peu de considération des dernières années et comme pour mieux creuser l’écart s’est renfermé sur lui-même, se sentant incompris, méprisé et en décalage. (…) »
Dossier du mois – Le Paris London n° 5 – septembre 2010